Notre prochain village
20-04-2025
Merdorp
son patrimoine et son histoire
En construction …
Notre vieille Hesbaye
Nos villages, que nous habitons ou que nous traversons chaque jour sans vraiment les regarder, ont une longue… très longue histoire. Nous aimerions vous donner envie de les (re)découvrir et de comprendre d’où proviennent leur structure et leurs bâtiments remarquables.
La Hesbaye est habitée depuis l’époque préhistorique et c’est à l’arrivée dans nos régions des premiers agriculteurs de la civilisation « omalienne » vers 5 400 av. J.-C. que les premiers villages d’hommes sédentaires se construisirent. Ils ne s’installèrent cependant pas sur notre territoire communal. Les tout premiers habitants sédentaires confirmés dans l’entité hannutoise appartenaient à la civilisation Michelsberg et s’y sont installés vers le milieu du néolithique (environ 3500 ans av. J.-C.). C’était l’époque de la pierre polie. Des fouilles à Wansin ont permis de découvrir ce qui fut une exploitation d’une carrière (à ciel ouvert) de silex à la fin du néolithique, c’est-à-dire environ 2 000 ans av. J.-C. De nombreux fragments de haches, de lames, etc. de cette époque ont aussi été retrouvés de manière relativement abondante dans nos villages. Près de Lens-Saint-Remy, une autre grande carrière de silex a été découverte à Avennes.
À la période gallo-romaine, les labours couvraient de grandes superficies. Un type d’habitat rural nouveau se généralisa et prospéra à partir de la moitié du 1er siècle apr. J.-C : la « villa ». À Lens-Saint-Remy, une petite villa gallo-romaine se trouvait non loin de l’actuelle route de Huy. À cette époque, les Romains aménagèrent aussi un réseau de voies praticables toute l’année : les chaussées romaines. La villa de Lens-Saint-Remy était proche du petit centre économique de Perniciacum situé sur la chaussée romaine Bavay-Tongres, sur le territoire actuel de Braives. Dans la région, on dénombre également un grand nombre de tombes recouvertes de tertres enherbés ou boisés : les « tumulus ». À côté de Perniciacum, le tumulus d’Avennes en est un bel exemple. En plus de la grande chaussée romaine, des voies secondaires, appelées diverticules, réunissaient les villas aux chaussées principales, et permettaient le transport des marchandises. De nombreux chemins et routes de la région empruntent aujourd’hui le tracé de ces antiques diverticules.
Vers 254 apr. J.-C., les Francs, venant de la rive droite du Rhin, commencèrent leurs incursions sur le sol gallo-romain. Cette invasion se poursuivit durant plus de deux siècles. Durant le 4e siècle, les citoyens romains rechignèrent à s’engager dans l’armée ; les empereurs romains engagèrent alors des soldats germains, qui intégrèrent l’armée romaine. Parmi eux, de nombreux Francs parvinrent aux plus hautes fonctions militaires. Après le départ des Romains, les Francs saliens finirent par se regrouper en un seul royaume. Plusieurs rois s’y succédèrent, jusqu’à Clovis qui devint roi en 481. À cette époque, les habitations étaient construites en bois, donnant sur une cour intérieure. La villa franque avait une économie de plus en plus fermée : produire tout ce qui est nécessaire à l’existence de ceux qui vivaient sur le domaine. Ces villas sont à l’origine de nombreux villages d’aujourd’hui. À Lens-Saint-Remy, une dizaine de tombes franques ont été identifiées en 1958 dans le jardin d’un habitant du village. Elles dataient de peu avant le 8e siècle : elles prouvent l’existence d’une villa franque à Lens à cette époque. La société franque reposait, comme à l’époque romaine, sur l’inégalité sociale : les hommes libres étaient les propriétaires fonciers, les demi-libres ou colons cultivaient la terre et exerçaient différents métiers, les serfs enfin étaient le plus souvent attachés à la terre où ils vivaient.
Au début du 7e siècle, la politique fut marquée par des querelles sanglantes entre différents royaumes francs. À l’époque mérovingienne, l’autorité du roi reposait notamment sur l’imaginaire : ses sujets le respectaient parce qu’ils le croyaient capable d’accomplir des miracles. Dès le deuxième quart du 7e siècle, Pépin de Landen s’empara de la mairie du palais d’Austrasie, dont faisait partie notre région. À cette époque, le maire du palais était une sorte de Premier ministre, un grand conseiller du roi, mais avant tout une sorte de fonctionnaire.
Les descendants de Pépin de Landen exercèrent progressivement le pouvoir et se passèrent même de roi entre 737 et 741. Rappelant un roi mérovingien en 743, Pépin le Bref le destitua publiquement en 751, avec l’aval du pape. Son fils, Charlemagne, se fit couronner Empereur des Francs et des Romains en l’an 800 à Rome.
Si le christianisme était apparu en nos contrées au 4e siècle, c’est surtout au 7e siècle que l’évangélisation fut efficace. Ce n’est en effet qu’à la fin du 7e siècle qu’apparaissent dans les tombes des signes chrétiens. Nos régions relevaient du diocèse de Tongres (transféré ensuite à Maastricht puis à Liège vers 740), qui relevait de l’archevêché de Cologne.
À la mort de Louis le Pieux, fils héritier de Charlemagne, l’empire fut partagé entre ses trois fils à la suite du traité de Verdun en 843. Notre région eut Lothaire Ier pour empereur. En 855, peu avant sa mort, ses trois fils se partagèrent son empire et notre région échut à Lothaire II. Nous étions donc en Lotharingie. Par la suite, les descendants de Lothaire II ne cessèrent jamais de se battre entre eux pour obtenir le pouvoir. Dans les faits, la Lotharingie, prise géographiquement entre la Germanie et la Francie, se fera dépecer en grande partie par la Germanie, raison pour laquelle un grand nombre de régions qui forment aujourd’hui la Belgique deviendront membres du Saint-Empire romain germanique. Après l’époque mérovingienne, les anciennes villas franques se transformèrent. Le commerce des denrées alimentaires s’était amélioré depuis les réparations des anciennes chaussées romaines, attribuées à la reine légendaire Brunehaut. Les propriétaires de villa s’enrichirent. Certains domaines disparurent, d’autres s’agrandirent. Les grands domaines devinrent des seigneuries et leur propriétaire, le seigneur, était un noble. La religion chrétienne s’était imposée à tous. Pour maintenir l’ordre et protéger les habitants de la seigneurie, le seigneur dut s’entourer de soldats professionnels : les chevaliers. Depuis l’époque carolingienne, la société s’était organisée en trois groupes, appelés les trois ordres : les prêtres, les chevaliers et les paysans.
Au 8e siècle, la baisse du pouvoir royal (principalement en Francie) entraîna l’augmentation du nombre de guerres entre les petits seigneurs. Ceux-ci se faisaient la guerre pour s’emparer des richesses de leurs voisins et agrandir leur territoire. Profitant du désordre général et de l’insécurité provoqués par ces conflits permanents et par les invasions des Vikings, les seigneurs locaux s’approprièrent des terres et les fonctions qu’ils tenaient du roi. Ils récupérèrent bon nombre de privilèges : battre monnaie, transmettre leurs possessions et leurs titres au fils aîné. Ils soumirent à leur autorité les populations qu’ils protégeaient. Pour être plus forts, les seigneurs se recommandaient les uns aux autres, c’est-à-dire que les plus faibles se soumettaient à l’autorité d’un plus fort en échange de protection. Ainsi naquit le régime féodal, basé sur le fief. La terre appartenait au seigneur. Le seigneur devait protection et justice à ses paysans. En retour, ceux-ci devaient en payer le prix : ils devaient cultiver la terre et verser au seigneur des redevances en nature ou en argent (appelées cens) ; ils devaient également réaliser des corvées, c’est-à-dire accomplir gratuitement des travaux pour le seigneur. Leur vie était dure et misérable. Les paysans se divisaient en deux catégories : les vilains étaient des hommes libres, les serfs appartenaient en propre au seigneur et n’avaient aucun droit. Au cours du temps, le nombre de serfs diminua progressivement, mais les conditions de vie des vilains étaient à peine meilleures.
À l’origine de toute principauté territoriale, on trouvait donc un grand propriétaire foncier : un comte, un duc ou un marquis. Il possédait un patrimoine et des biens en échange de la charge dont il s’acquittait. Dans le traité de Meerssen de 870, on peut découvrir que le territoire de Hesbaye comprenait alors quatre comtés dont les noms ne sont pas parvenus jusqu’à nous. Les villages actuels de l’entité hannutoise se trouvaient éparpillés dans trois de ces comtés. En 870, Grand-Hallet et Petit-Hallet se trouvaient dans le « comté occidental » ; Avernas-le-Bauduin, Bertrée, Cras-Avernas, Trognée, Poucet, Hannut, Abolens, Blehen et Lens-Saint-Remy étaient dans le « comté central » ; enfin, Wansin, Thisnes, Crehen, Villers-le-Peuplier, Merdorp, Moxhe et Avin occupaient le « comté méridional ».
Dans le courant du 10e siècle, par suite du déclin de la puissance publique, certains de ces comtés se scindèrent et donnèrent naissance à d’autres entités politiques. Ainsi, au 11e siècle on trouvait entre autres dans le comté occidental le comté de Louvain (cité pour la première fois en 1003), qui deviendra par la suite le duché de Brabant.
Le comté oriental était partagé en deux au 10e siècle. La partie nord était le comté de Hocht qui fut à l’origine du comté de Looz. La partie sud, comprise entre le Geer et la Meuse, était le Haspinga. Ce dernier fut cédé à l’évêque de Liège par l’empereur Henri III en 1040. Il devint une partie de la principauté épiscopale de Liège.
Le comté méridional a donné naissance au comté de Moha, dont on trouve des traces à partir de 1055. Une grande partie de son territoire passera au prince-évêque de Liège en 1225.
Par rapport aux trois autres comtés, la situation dans le comté central est beaucoup plus complexe. Deux documents seulement, du milieu du 10e siècle, y mentionnent l’existence d’un comté : le comté d’Avernas, dont faisaient probablement partie Bertrée, Poucet, Cras-Avernas, Hannut, Villers, Abolens, Blehen et Lens. On sait que le comte Rodolphe, frère du comte de Hainaut Régnier III, a été à la tête de ce comté aux environs de 950. Dès la fin du 10e siècle, le comté d’Avernas disparut. Il est probable que le siège du comté avait été transféré à Duras (au nord-ouest de Saint-Trond). Le comté de Duras était un ensemble assez déchiqueté, qui fut annexé à la fin du 12e siècle par les comtes de Looz. Le manque de renseignements ne permet pas de dire si le comté central a été scindé en plusieurs comtés dans le courant du 10e siècle.
En dépit de la puissance de l’empereur, des principautés plus ou moins étendues se développèrent petit à petit près des châteaux. En ce qui nous concerne, le comté de Louvain prit progressivement possession de tout le comté occidental. En 994, le comte de Louvain, Lambert Ier, acquit par héritage le comté de Bruxelles. Ce fut l’origine du duché de Brabant. Grâce à des acquisitions ultérieures, le comté s’agrandit encore. Près de 200 ans plus tard, c’est le fils de Godefroid III de Louvain, Henri Ier le Guerroyeur, qui fut le premier à se titrer de duc de Brabant et de Lothier à la fin du 12e siècle.
D’autre part, l’empereur s’appuyait surtout sur les évêques qu’il nommait et auxquels il accordait des territoires : les principautés ecclésiastiques. C’était le cas de la principauté de Liège, à l’est de notre région. C’est en l’an 985 que naquit la principauté épiscopale. C’est à cette date que Notger, déjà évêque de Liège depuis 972, devint prince-évêque en recevant le Comté de Huy. Cet État a existé pendant plus de 800 ans, jusqu’à la Révolution liégeoise en 1789. La Haspinga en fit partie dès 1040.
Situé entre plusieurs principautés politiquement et militairement mieux organisées et souvent rivales, le comté central allait donner naissance à de nombreuses marches féodales. Une marche est une région, plus ou moins étendue, située entre deux principautés fortement organisées, sur lesquelles celles-ci exercent une influence réciproque. Le comté central s’est ainsi vu partagé en trois zones : l’une à l’ouest à prépondérance brabançonne, l’autre au nord et à l’est où le comté de Looz était prépondérant, la troisième au sud-est à prépondérance liégeoise. La dernière expansion brabançonne en Hesbaye, au 12e siècle, fut le bailliage de Hannut qui comprenait 13 localités : Hannut, Avernas-le-Bauduin, Bertrée, Cras-Avernas, Poucet, Abolens, Lens-Saint-Remy, Lens-Saint-Servais, Ligney, Grand-Hallet, Petit-Hallet, Villers-le-Peuplier et Moxheron. Dans ce territoire, Blehen et Crehen étaient des enclaves qui dépendaient principalement du prince-évêque de Liège. Trognée et une partie de Moxhe (hors Moxheron) appartenaient en propre à la principauté liégeoise. L’autre partie de Moxhe, Avin, Thisnes, Merdorp et Wansin finirent par faire partie du comté de Namur à la fin du 13e siècle. Moxhe se trouvant à la jonction des trois pays principaux était donc partagé entre eux.
Malgré l’importance des traces antiques, les paysages actuels sont surtout l’héritage direct du Moyen Âge. La société féodale fixa la trame paysagère de l’openfield, c’est-à-dire un paysage agraire à champs ouverts, sans clôture ni haie. En effet, la période qui s’étend du 10e au 14e siècle correspond à une forte croissance de population. Celle-ci fut soutenue par le développement de la production agricole, sur de vastes terres possédées par quelques seigneurs ou, très souvent, par des communautés religieuses. Le système féodal s’accompagna d’une multiplication de petits noyaux d’habitat, regroupés autour d’une église : ils sont à la base de nos villages d’aujourd’hui. La production de grains devint suffisante pour dégager des surplus et permettre aussi son commerce. Ce dernier s’organisa à partir de quelques centres où des marchés étaient autorisés. Hannut est l’un de ces centres. Le servage disparut progressivement et le régime des terres données à bail se propagea. Situés en bordure du duché de Brabant et de la principauté de Liège, nos villages durent subir régulièrement des événements dramatiques : pillages et incendies des villages, destruction et pillage des récoltes, vols, assassinats…
À partir du 12e siècle, l’emploi du moulin à eau se répandit dans les fonds de vallées. Les terres étaient cultivées en assolement triennal : se succédaient ainsi la culture des céréales d’hiver (épeautre, seigle, froment), celle des céréales de printemps (avoine, orge) l’année suivante, puis une jachère, temps de repos et de préparation de la terre la troisième année. Le bétail (surtout des moutons) était rassemblé en troupeau qui parcourait les champs après la moisson, les terres pendant la jachère et les prés après la fauche. Cette pâture nécessitait de maintenir les champs ouverts, sans haie ni clôture. Ce système n’évoluera pas et se maintiendra jusqu’au 18e siècle.
Le 18e siècle verra apparaître les grandes « censes » : les grandes fermes formant un quadrilatère fermé autour d’une cour centrale. Elles furent parfois construites sur un habitat seigneurial plus ancien. Les plus anciennes furent érigées comme de véritables forteresses, quasiment sans ouverture vers l’extérieur. Il s’agissait de se protéger contre les rapines des troupes qui traversaient fréquemment nos régions et des vols des bandits de grand chemin. Au 19e siècle, les fonctions agricoles et d’habitation de plaisance se séparèrent plus nettement. Les châteaux furent entourés de jardins, de vergers et de parcs arborés. Les censes trônent généralement au milieu de leurs terres, souvent en bordure des villages.
Dans la seconde moitié du 19e siècle, une nouvelle culture apparut : celle de la betterave sucrière. Dès 1851, Ferdinand Wauthier, homme d’affaire très dynamique de Cras-Avernas, remplaça sa distillerie par une « fabrique de sucre » : ce fut une des toutes premières sucreries construites en Belgique ! Elle fut le point de départ de l’expansion de la culture de la betterave sucrière dans la région hannutoise. À ce moment, l’industrie était en pleine croissance. Des râperies et des sucreries apparurent dans de nombreux villages. Lens-Saint-Remy eut sa râperie en 1872 : elle alimentait par un long pipeline la sucrerie de Wanze en jus de betterave. L’utilisation des engrais introduisit une modification importante dans les paysages, car elle permit la suppression de la jachère. On put alors réserver une plus grande surface aux prairies permanentes autour des villages. L’élevage bovin se développa. Des laiteries apparurent dans certains villages. Des brasseries également. Les routes qui relient les villes, puis les villages se modernisèrent. Le chemin de fer, puis les chemins de fer vicinaux allèrent permettre une beaucoup plus grande mobilité des gens et des marchandises.
Le 19e siècle est marqué par une forte augmentation de la population. Le niveau de vie s’améliora, accompagné d’une meilleure hygiène. Beaucoup d’habitations qui étaient souvent construites en matériaux périssables (bois et torchis) furent solidifiées, agrandies, voire reconstruites. La brique de teinte rouge foncé, fabriquée généralement sur place, s’imposa. La pierre fut aussi utilisée lorsqu’elle était disponible dans les environs. Les toits de chaume furent progressivement remplacés par des tuiles. Les églises furent souvent agrandies ou reconstruites. On bâtit des maisons communales et des écoles. Les noyaux villageois se densifièrent progressivement. Les très petites fermes disparurent.
Dans la seconde moitié du 20e siècle, les petites lignes de chemin de fer et les lignes des vicinaux furent progressivement remplacées par des lignes d’autobus. Parallèlement, la construction d’autoroutes et l’accroissement du parc automobile permirent une liaison rapide entre les villes et villages. Le nombre de navetteurs augmenta fortement et de plus en plus de villageois allèrent travailler dans les villes. Inversement, la vie en ville coûtait de plus en plus cher, et de nombreux citadins vinrent s’installer à la campagne. Les nouvelles constructions étirèrent les villages le long des routes, pour leur donner l’aspect que nous découvrons aujourd’hui.